Voici un ensemble de notes que j’ai rassemblées à la suite de la lecture d’Aurélien. Je ne me souvenais pas de l’avoir lu ou alors il y a très longtemps. J’ai aimé ce livre dans lequel se déploient des caractères complexes. Et j’ai été aussi agacée. Un classique à découvrir ou redécouvrir.
Dans le Paris de l’entre-deux guerres, Aurélien est un jeune homme issu de la bonne société, oisif car il a hérité de revenus familiaux, et désabusé. Aurélien a combattu dans l’Armée d’Orient où il a contracté la malaria.
Bérénice est une provinciale. Elle rencontre Aurélien lors d’un séjour à Paris chez son cousin. Son visage est une énigme pour Aurélien. Il évoque le masque d’une femme aux yeux fermés qu’Aurélien possède.
L’histoire d’Aurélien et Bérénice démarre comme une rencontre arrangée (par le mari de la cousine), un défi lancé à Aurélien de tomber amoureux de Bérénice et finit, après de nombreuses années par le constat d’un malentendu. Entretemps il ne s’est presque rien passé entre eux. Difficile de résumer sans trop révéler comment évolue la relation amoureuse entre Aurélien et Bérénice. Une relation qui restera platonique.
Un incipit célèbre
“La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide“. Un incipit célèbre. Ce qui est selon moi franchement laid, c’est l’utilisation de cet adverbe. A toutes les étapes de ma formation, on m’a enseigné la haine de l’adverbe. J’essaie de les chasser autant que possible. de plus, quand on écrit en respectant un calibrage (nombre de caractères) précis, on acquiert le réflexe de les éviter.
Comme Richard, le héros du “Tour du malheur” de Joseph Kessel, Aurélien, est un ancien combattant. Et comme Richard, Aurélien fréquente régulièrement le Paris nocturne mais ses sorties sont plus mondaines. Dans une préface rédigée 22 ans après la parution du roman, Louis Aragon précise : “Je voulais montrer en Aurélien, par Aurélien, comment un l’homme d’hier, un soldat de l’autre guerre, arrivé à l’âge de la responsabilité, n’a pas reconnu le destin auquel il était à nouveau entraîné.”
Bérénice est un personnage créé à l’image d’une femme que Louis Aragon a aimée. Une femme qui a le goût de l’absolu.
L’impossibilité du couple ?
Aurélien est un roman qui soutient l’idée de l’impossibilité du couple. Est-ce la guerre qui a rendu cet amour impossible ? Bérénice a vécu dans la continuité alors que la vie d’Aurélien a été scindée par l’entracte des tranchées. Tout l’art de Louis Aragon fait que ce ne soit pas pesant, même si les deux personnages sont parfois très agaçants chacun à leur tour !
Cette impossibilité se concrétise à la fin du roman quand Aurélien et Bérénice se retrouvent par hasard, lors de la Débâcle, un événement révélateur du “divorce de leurs idées“, comme l’affirme Bérénice en avouant à Aurélien qu’elle a hébergé un combattant espagnol et qu’ils n’ont plus rien en commun. “Aurélien c’est celui qu’elle a aimé, et dont l’histoire a fait cet homme qui est étranger à son amour.” Rien dans la psychologie de Bérénice ne laissait soupçonner cet engagement.
“Aurélien est une situation“
Aurélien a été écrit entre 1942 et 1943 et terminé en 1944 avant le Débarquement
Voici ce qu’écrit Louis Aragon dans la préface, non datée, de l’édition Folio : “Parce que dans ce que j’ai écrit, Aurélien ne soulève pas que la question d’Aurélien et de ses comparses, mais en général la question du roman, de l’invention des personnages, de leur ressemblance avec des modèles multiples, des motifs profonds de l’auteur pour se livrer à ce mélange d’aveux, de portraits, de mensonges et de masques.” Est-ce un portrait de Drieu La Rochelle ? En partie, répond Louis Aragon : “Il va sans dire que bien des traits d’Aurélien viennent de moi car je n’étais pas dans Drieu, et que, quand je mettais Drieu en face de certaines situations, c’était en moi que se trouvait les solutions et les pensées. (…) Aurélien, plus que tel ou tel homme est avant tout une situation, un homme dans une certaine situation.”