Purity

de Jonathan Franzen, Editions de l’Olivier, traduit de l’anglais par Olivier Deparis

(La lecture de ce roman m’a confirmée dans ce qui m’attire et m’agace à la fois dans la littérature américaine. Ce qui me plait : la psychologie bien campée des personnages, une excellente maîtrise du déroulement d’une intrigue et de la construction des dialogues. Ce qui m’agace : le côté ratiocineur dans les relations interpersonnelles. Les personnages passent leur temps à s’auto-analyser ou à analyser leurs relations avec les autres (pareil dans les films). Influence des méthodes de la psychanalyse comme dans les films de W. Allen ? La littérature française est souvent plus concise, pratique l’ellipse, le sous-entendu.)

Malgré ces réserves et remarques générales, Purity est un « bon Franzen », aussi bon que Les Corrections (mon préféré) ou Freedom. Purity est le prénom d’une jeune fille que tout le monde appelle Pip, comme le personnage principal du roman de Charles Dickens, De grandes espérances. La référence est clairement assumée. Ainsi, page 278 : « Pip ! tonna Charles en toisant la fille des pieds à la tête d’une manière ouvertement sexuelle. J’aime beaucoup votre prénom. J’ai de grandes espérances pour vous. Aïe…vous devez entendre ça souvent. » (Allusion réitérée page 733 dans la bouche de la mère de Pip). Ayant lu De grandes espérances il y a fort longtemps, je ne peux qu’émettre des hypothèses sur ce qui relie les deux Pip !

La Pip de J. Franzen est une jeune fille qui vit dans un squat à Oakland (Californie). Elle exerce un petit boulot sans intérêt, au sein d’une plate-forme téléphonique. Elle s’occupe, dès qu’elle le peut, de sa mère Annabel, qui l’a élevée seule. Pip ne connait pas son père. Annabel n’a jamais voulu lui révéler qui il était. Annabel est une solitaire, qui vit chichement par choix  (alors que, comme l’histoire le révèle plus tard, elle aurait pu avoir une autre vie). Par l’intermédiaire d’Annagret, une colocataire allemande, Pip est mise en relation avec le mystérieux Andreas Wolf, un hacker d’origine est-allemande qui a créé, en Bolivie, un groupe baptisé Sunlight Project. A l’instar de J. Assange (auquel il est fait allusion dans le roman), Sunlight Project a pour ambition la transparence en révélant tout ce qui peut échapper au grand public dans toutes les informations qui submergent le monde.

J. Frozen fait preuve d’un talent consommé pour bâtir les liens entre tous les personnages. Si Pip a été mise en relation avec A. Wolf est-ce un hasard ? Andreas va envoyer Pip travailler pour le Denver Independant, un site d’informations qui brandit aussi la bannière de la transparence, créé par Tom et Leïla. Au fur et à mesure du récit, apparaissent les fils qui relient Tom et Pip, Tom et Andreas, Tom et la mère de Pip. Qui ment ? Qui manipule les autres ? Est-ce Andreas qui a vécu une drôle de jeunesse en Allemagne de l’Est aux côtés d’un père et d’une mère dignitaires du parti ? Dans le passage où Franzen nous emmène en Allemagne de l’Est, on découvre l’histoire qui relie Andréas et Tom, Andreas et Annagret.

La transparence et le mensonge (ou plutôt la dissimulation) sont les thèmes qui irriguent le livre. Et aussi le pouvoir que procure la maîtrise de l’information, traité à travers le travail mené par le Sunlight Project et le Denver Independant. Au passage, J. Franzen en profite pour rappeler quelques principes déontologiques du travail journalistique, à travers ce qu’en dit Leïla  (page 275) : « L’ironie d’Internet (…) est que ça a énormément simplifié le travail du journaliste. Tu trouves en cinq minutes ce qui demandait autrefois cinq jours de recherche. Et en même temps, Internet est en train de tuer le journalisme. Rien ne remplace un reporter qui a mené une enquête pendant 20 ans, qui a cultivé ses sources, qui sait voir la différence entre un sujet et un non-sujet. Google et Accurint peuvent te donner l’impression que tu es très intelligente, mais les meilleurs sujets, c’est sur le terrain que tu les trouves. » Un credo qui peut paraître un peu naïf mais qu’il n’est pas inutile de rappeler…

Et aussi le pouvoir que donne la détention d’un secret dans les relations familiales. Si Annabel révélait à sa fille ses origines familiales, Pip pourrait rembourser le prêt qu’elle a contracté pour financer ses études et dont le remboursement lui plombe la vie ! Et Pip ? Est-elle le seul personnage transparent ? N’a-t-elle pas menti à Leïla et Tom ? J’arrête là sinon je risque d’en révéler trop et ce serait dommage pour celles et ceux qui vont découvrir ce livre…

Lu en 2016

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet article, publié dans Romans, est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Purity

  1. marielegre dit :

    J’ai bien aimé même si je ne l’ai pas lu à un moment serein de ma vie.
    Peut être aussi mon côté fan des romans fleuves américains !

    J’aime

Laisser un commentaire