Eureka Street

De Robert McLiam Wilson, traduit de l’anglais (Irlande) par Brice Matthieusent, Christian Bourgois Editeur

Trois personnages principaux dans ce livre formidable dont l’action se déroule à Belfast à l’époque où les bombes scandaient la vie des habitants.

IMG_0655Jake, le catholique qui vit de petits boulots. Son amie Sarah vient de le quitter : une anglaise qui en avait marre de Belfast : « Elle désirait retourner dans un lieu où la politique signifiait discussions fiscales, débats sur la santé, taxes foncières, mais pas les bombes, les blessés, les assassinats, ni la peur. » Jake vient de Belfast Ouest, a quitté Eureka Street pour vivre avec Sarah dans un quartier bourgeois. Il travaille dans « la récupération de marchandises impayées » c’est-à-dire pour des organismes de crédit qui reprennent à de pauvres gens des équipements qu’ils n’auraient pas dû se payer. L’auteur en profite pour nous proposer une saisissante vision de la misère dans ces quartiers avec des scènes d’un réalisme qui ne ment pas, notamment celle où le trio formé par Jake et ses deux acolytes (de véritables Pieds nickelés) s’empare du lit médicalisé d’une femme mourante…une faute que Jake voudra réparer par la suite. Notre « héros » accumule les échecs avec les filles depuis sa rupture. Le soir, il rejoint sa bande dans les bars de Belfast dont les rues sont emplies de « foules délirantes, (…) avec leurs hurlements, leurs vomissements et leurs bagarres. »

Chuckie, le protestant à la lourde silhouette qui vit avec sa mère et semble complètement inapte au travail. Contre toute attente, Chuckie va réussir à gagner beaucoup d’argent en magouillant sur les failles du capitalisme et en jouant sur la culpabilité des Anglais qui accordent des subventions à tout projet social visant à la réconciliation. Chuckie est tout aussi surprenant quand il réussit à séduire Max, une américaine à l’histoire tourmentée, débarquée récemment à Belfast.

Belfast…traitée comme le troisième personnage de ce roman, une ville dans laquelle « les hélicoptères vrombissaient confortablement au-dessus de tous les catholiques des quartiers ouest. » Au milieu du roman, l’auteur nous saisit avec une description cinématographique et crue d’un attentat et de ses conséquences : la scène démarre avec le geste banal d’une jeune fille sans histoire dont la vie va s’arrêter brutalement au moment où elle ouvre, comme chaque jour, la porte d’un magasin. La mère de Chuckie est présente sur les lieux de l’attentat : même si elle n’est pas blessée, l’événement va provoquer un tel choc sur son état mental que sa vie va en être bouleversée et pas forcément pour le pire…

Les conflits en Irlande du Nord m’ont toujours paru très confus : à la dimension religieuse se colle la politique. Parmi les catholiques qui vivent en Irlande du Nord certains acceptent la mainmise des Anglais, d’autres non et considèrent les premiers comme des traîtres. La confusion est totale. Les murs de Belfast sont zébrés de graffitis dont un mystérieux sigle qui va apparaître sur les murs provoquant l’interrogation et parfois la peur. Toute cette confusion est magnifiquement entretenue dans Eureka Street.

Il faut aussi parler des personnages secondaires. Aoirghe, l’amie de Max au nom imprononçable même pour un Irlandais, très engagée politiquement et qui entretient avec Jake des relations d’attraction/répulsion. Et Roche, le Gavroche de Belfast qui vit dans la rue et sur lequel Jake tente de veiller tant bien que mal.

Un grand livre paru en 1996 et que je viens seulement de découvrir mais avec quel bonheur !

Cet article a été publié dans Romans. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

3 commentaires pour Eureka Street

  1. Hello Isa ! En voilà un livre de l’été… Merci tu me donnes vraiment envie de le lire, je vais chercher.

    J’aime

  2. Valerie/Arpenteurs dit :

    Comment Ca tu viens de le découvrir???!!!
    Mais mince alors on ne discute pas assez alors…
    Incontestablement l’un des mes livres préférés!
    L’an passé il etait d’ailleurs dans notre sélection poche pour l’été…

    Bizz
    Valerie

    J’aime

    • isacosta2013 dit :

      Et oui et c’est une grande découverte ! Quand je l’ai acheté, Gaëlle et Pierre m’ont dit que c’était un de tes livres préférés et je leur ai fait jurer de ne pas te raconter que je ne l’avais pas encore lu !!!!! Mais comment éviter de parler d’un tel livre sur mon blog ! Il paraît que Robert MsLiam Wilson sort un nouveau livre en septembre…une nouvelle qui va égayer la rentrée ! Bises

      J’aime

Laisser un commentaire