Michelle Obama
Crown, N.Y. (edition US), Fayard (édition française)
La vie de Michelle Obama est un véritable destin à l’américaine : celui d’une femme noire issue de la classe moyenne de Chicago, qui poursuit d’excellentes études de droit à Princeton, entame une carrière d’avocate dans un grand cabinet et, par les hasards d’un mariage, se retrouve à passer 8 ans de sa vie à La Maison Blanche.

La famille est une valeur essentielle pour Michelle Robinson-Obama. Elle a été élevée dans un foyer chaleureux par des parents très aimants auxquels elle rend hommage tout au long de son témoignage : “Il y a encore tant de choses que j’ignore au sujet de l’Amérique, de la vie, et de ce que l’avenir nous réserve. Mais je sais qui je suis. Mon père, Fraser, m’a appris à travailler dur, à rire souvent et à tenir parole. Ma mère, Marian, à penser par moi-même et à faire entendre ma voix. Tous les deux ensemble, dans notre petit appartement du quartier du South Side de Chicago, ils m’ont aidée à saisir ce qui faisait la valeur de notre histoire, de mon histoire, et plus largement de l’histoire de notre pays.”
Fraser Robinson a effectué toute sa carrière au sein de la compagnie des eaux de Chicago. Il ne s’est jamais arrêté de travailler, alors qu’il souffrait d’une sclérose en plaques dont il est mort à l’âge de 55 ans, un an avant le mariage de Michelle et Barak Obama. Malgré la pression de ses enfants et de sa femme, il ne voulait pas se faire soigner en raison du coût que cela risquait d’engendrer pour sa famille. Les passages où Michelle Obama parlent de son père sont d’ailleurs très émouvants.
De Princeton à la Maison Blanche
Michelle Obama a vécu une enfance et une jeunesse heureuses. Mais tout au long de son récit elle donne le sentiment de sans cesse rechercher une sorte de légitimité : quand elle intègre Princeton puis ce grand cabinet d’avocats de Chicago (qu’on imagine aisément tel que dans les séries américaines). On la sent beaucoup plus attirée par les problématiques sociales que par les fusions-acquisitions. Elle quitte les avocats pour rejoindre les services de la Ville de Chicago puis ceux d’un hôpital dans lequel elle est chargée de l’amélioration de l’accueil des patients. Son passage de 8 ans à La Maison Blanche est aussi un témoignage de ses engagements : tout le monde se souvient du potager qu’elle a réussi à créer dans les jardins de la Maison Blanche (non sans quelques difficultés) et des actions qu’elle a lancées pour faire bouger les jeunes et lutter ainsi contre le problème de l’obésité qui touche, en priorité, les populations les plus défavorisées. Elle a aussi beaucoup agi pour la réinsertion des vétérans dans la vie professionnelle.
Barak en arrière-plan
Les coulisses des deux campagnes sont évidemment deux moments forts de ce livre. On se demande d’ailleurs comment Michelle et Barak Obama ont pu résister, physiquement, à ces “méga marathons” dans lesquels ils ont dû parfois entraîner leurs deux filles, Sasha et Malia. Barak Obama est présent dans le livre mais plutôt comme une silhouette évidente en arrière-plan, imposante sans être écrasante. Michelle Obama ne livre pas de confidences mais des petites touches de la vie privée à la Maison Blanche apparaissent ça et là. La First Lady a eu du mal à accepter, au départ, la présence constante des services de sécurité, les entraves à la liberté de se déplacer. Ses filles semblent parfois mieux accepter la situation. Michelle Obama a toujours le souci de les préserver tout en les aidant à faire face à leurs “obligations” de filles du président : quand il s’agit de côtoyer Beyoncé, pour des ados, c’est forcément plus facile…
Conversation avec la reine
Outre la profession de foi d’une femme engagée, M. Obama nous livre aussi quelques anecdotes qui font aussi l’intérêt de ce genre de témoignage. Exemple, de quoi parle-t-on avec la reine d’Angleterre quand on s’ennuie ensemble dans une réunion internationale ? De chaussures inconfortables. Le décor : Michelle Obama en Louboutin et la reine guère mieux lotie. Il en résulte un échange sur les difficultés à se chausser de manière élégante et confortable et une complicité mal interprétée par les gardiens du protocole (et par ceux qui ne ratent pas une occasion de critiquer le comportement de MO) quand Michelle prend la reine par l’épaule ! (nul n’a le droit de toucher la reine). J’ai bien apprécié aussi le passage où MO raconte à quel point ses pieds ont gelé lors de la première intronisation de Barak Obama : il fait très froid à Washington au mois de novembre et la cérémonie est très longue ! Aussi, lors de la seconde intronisation de son mari, a-t-elle demandé qu’une rampe de chauffage soit installée à hauteur de pieds : j’espère que Mélania Trump lui en est reconnaissante !
Que retenir de ce témoignage largement médiatisé ? Je dirais la difficulté à se positionner en tant que “première dame” quand on est une femme indépendante qui a déjà prouvé ses compétences professionnelles. Michelle Obama a réussi, c’est sûr, à imprimer sa marque . Je retiens aussi les grandes difficultés auxquelles elle a été confrontée, avec son mari, en tant que premier “couple noir” a accéder à la Maison Blanche : ces difficultés sont évoquées sans être surlignées. Tout au long des deux mandats de Barak Obama ces faits ont été commentés mais, grâce au récit de Michelle, on les vit de l’intérieur.
J’ai lu ce livre en version originale car il m’a été offert dans cette édition. Je pense qu’elle est tout à fait abordable pour qui a une pratique régulière de l’anglais (pas besoin d’être bilingue).
Le coeur battant de nos mères
de Brit Bennett, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
Le hasard de mes lectures a fait que, peu de temps après Becoming, j’ai lu Le coeur battant de nos mères de B. Bennett. L’histoire d’une jeune fille de la communauté noire de Oceanside, banlieue de San Diego (Californie). Le destin de Nadia, 17 ans, s’écrit quand elle décide d’avorter.

La mère de Nadia vient de se suicider. La jeune fille vit seule avec son père, très impliqué dans une communauté religieuse protestante, Le Cénacle. Nadia vit une brève aventure avec Luke, le fils du pasteur, d’où cette grossesse accidentelle et un avortement dont les frais sont payés par la famille de Luke.
Nadia, marginalisée par sa situation familiale, son secret, et sa forte personnalité, va quitter Oceanside pour poursuivre ses études dans le Michigan puis en Europe. Elle change de monde. Quand elle revient dans sa ville natale, c’est pour assister au mariage de sa meilleure amie Aubrey (qui elle aussi vit une situation familiale bouleversée) avec…Luke. Nadia n’a jamais révélé son secret à Aubrey…
Un livre qui pousse à s’interroger. Faut-il se libérer du poids de sa communauté pour vivre ? Cette même communauté qui donne de la force dans un environnement hostile, est-elle aussi un lieu d’enfermement ? C’est un beau livre dans lequel, je le reconnais, j’ai eu du mal à entrer. Je ne regrette pas d’être allée jusqu’au bout de ma lecture. Un livre qui traite avec pudeur des relations entre un père et sa fille, dans un contexte lourd marqué par le mystérieux suicide de la mère. Et aussi une belle histoire d’amitié entre Nadia et Aubrey.