GIRL

De Edna O’Brien, Sabine Wespieser Editeur
traduit de l’anglais (Irlande) par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat

En avril 2014, 276 lycéennes de 12 à 17 ans étaient enlevées par Boko Haram, dans leur lycée de Chibok au Nigéria. Cet événement brutal avait déclenché une grande émotion relayée par le mouvement Bring Back Our Girls.

Edna O’Brien sort ces jeunes filles de l’indifférenciation dans laquelle leurs bourreaux ont tenté de les enfermer, à travers la voix de Myriam : “Mon unique méthode était de faire entendre leur imagination et leur voix par le truchement d’une seule fille particulièrement visionnaire.”

“J’étais une jeune fille autrefois, c’est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles, un bourbier. Emmenée en trombe à travers cette forêt que j’ai vue, cette première nuit d’effroi, quand mes amies et moi avons été arrachées à l’école.” L’effroi nous tombe dessus dès les premières lignes du livre.

Maryam réussit à s’échapper du camp, à la faveur d’une tentative de l’armée pour les libérer. Elle s’enfuit avec son amie Beki, et Babby l’enfant qui est née d’un mariage forcé. “Tu n’as ni nom ni père”, dit-elle à l’enfant qui hurle de faim.
Je redoutais la lecture de Girl tant j’anticipais sur les viols, les sévices subies par ces jeunes filles. Grâce au talent de E. O’Brien on résiste à la tentation de fermer le livre devant tant de violence. Je savais à quoi m’attendre mais ne serait-ce que par respect pour la souffrance subie par ces jeunes filles, il fallait continuer la lecture.

Les jeunes captives sont retenues dans un camp décrit comme une mini-société, très hiérarchisée, avec les épouses, les esclaves, les chefs et les combattants à qui on livre les jeunes filles avant les combats : “Toujours avant la bataille, pour les exciter, qu’ils aillent de l’avant, repus, avides de se battre.” Pas une seule fille ne crie… “Saurai-je un jour le langage de l’amour. Saurai-je un jour de nouveau ce qu’est un foyer ?” s’interroge Myriam.
Son prénom, Myriam ne le prononce qu’à la demande de Mahmoud, à qui elle est désormais liée par un mariage forcé. Dans les pages précédentes on ne sait comment s’appelle la narratrice comme si elle redevenait une personne à partir du moment où la fuite est proche. Mahmoud n’est pas le pire, enrôlé de force, il donnera de l’argent à Myriam quand elle s’enfuira : “Je ne l’aimais pas mais je ne souhaitais pas sa mort.”

Une fois échappée du camp, Myriam tente de retourner vers sa famille. Ce parcours est encore une épreuve : entre les djihadistes qui les recherchent, la faim qui manque de faire mourir le bébé, les villages qui les rejettent…Seul un groupe de bergers nomades leur viendra en aide.
Le retour dans sa famille s’avère très difficile. Babby est rejetée car elle est l’enfant du déshonneur. L’enfant est enlevée à sa mère. On lui fait croire dans un premier temps que Babby est morte. Les sentiments de Myriam pour cette enfant sont évidemment très ambigus : “Je ne suis pas assez grande pour être ta mère” reconnait-elle alors qu’elles sont seules dans la forêt. Mais l’enlèvement de Babby par sa famille va créer un choc et Myriam va tout faire pour récupérer sa fille. Une lueur d’apaisement se glisse à la fin de ce récit effrayant quand Myriam et sa fille se retrouvent dans un couvent grâce à soeur Angelina.

Chibok -Villageoises attendant – Peinture à l’huile sur papier de Annie Darmon Tetart

Que sont-elles devenues ?
Certaines jeunes filles (57) ont réussi à s’échapper dès leur enlèvement. 107 ont été libérées.
En avril 2019, 119 jeunes filles étaient toujours captives de Boko Haram.

Du même auteur, lire aussi “Les petites chaises rouges”

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4 réponses à GIRL

  1. Elle - Twin Books dit :

    C’est prévu !

  2. isacosta2013 dit :

    Allez-y, sortez-le de la pile et lisez-le !

  3. Elle - Twin Books dit :

    Il a l’air terrible ! Je l’ai dans ma PAL 🙂

  4. Dodif dit :

    Merci pour cette note de lecture au sujet de ce drame vite oublié.

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