de Claire Billet et Olivier Jobard (Robert Laffont)
Ces deux journalistes ont suivi des migrants afghans depuis leur départ de Kaboul jusqu’à leur arrivée à Paris. De leur périple, ils ont publié ce récit illustré de photos. Je n’ai pas très bien compris comment ils avaient négocié avec les passeurs. Ils ont passé un accord avec les Afghans pour ne jamais intervenir au cours du voyage (les aider financièrement par exemple).
Ce récit est une observation assez clinique du voyage des migrants, un peu froide parfois, sans portraits attachants ni anecdotes qui casseraient la linéarité du récit. C. Billet et O. Jobard ont fait la traversée dans les mêmes conditions que les Afghans. Ils ont même acheté des gilets de sauvetage supplémentaires quand ils se sont rendu compte des conditions de la traversée ! Deux questions restent sans réponse : d’où vient l’argent que les migrants sont obligés de donner aux passeurs, en supplément à la somme prévue sans cesse pendant le voyage ? Tous ont des téléphones portables et sont en contact avec d’autres migrants. Pourquoi ne sont-ils pas mieux informés de ce qui les attend dans les pays d’accueil ? Seul, un d’entre eux va réussir à rester en Allemagne. Les autres sont renvoyés mais, d’après ce qu’en savent les journalistes, prêts à retenter l’aventure.
Malgré cette impression de froideur, le récit témoigne d’une démarche courageuse et sincère de la part des journalistes.
Juste avant, j’avais lu Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (qui raconte l’expérience de l’exil vécue par sa famille juive polonaise et ses conséquences sur l’histoire familiale) et j’y ai noté un passage qui s’intitule “L’héroïsme des immigrés” (page 179). Il commence ainsi :
“Je pense que les immigrés d’hier, et mon père fut l’un d’eux, sont comme ceux d’aujourd’hui les aventuriers des temps modernes. (…) Il y a des façons très différentes de partir, bien sûr : des expatriations confortables, des migrations plus ou moins périlleuses, des exils sans retour, des errances désespérantes entre bateaux de fortune et camps de transit. Les grands départs ne sont pas tous heureux. Loin de là (…) Il n’est pas aisé de quitter des proches et un monde, fût-il misérable et opprimé, pour tenter sa chance dans un pays étranger dont la culture, la langue, les codes, sont inconnus. Sans compter que l’on n’y est pas toujours le bienvenu. Il faut pour cela de la volonté, du courage, de l’audace, un peu d’inconscience parfois et une bonne dose d’espoir. Ces qualités ne sont pas assez reconnues. La perception des immigrés, même la mieux intentionnée, est souvent teintée de misérabilisme.”
Lu en 2015