La chorale des maîtres bouchers

de Louise Erdrich, traduit de l’américain par Isabelle Reinharez

Un des meilleurs livres lus récemment (mais traduit et paru en 2005 en France). Avec des personnages non conventionnels qui nous racontent une partie de l’histoire de l’Amérique de 1920 à 1950 environ. A commencer par Fidélis, le boucher qui aime chanter (d’où le titre), débarqué aux Etats-Unis après la première guerre mondiale deux valises à la main, l’une pleine de ses couteaux de boucher, l’autre de saucisses dont la vente lui permettra de financer son voyage jusqu’à Argus, Dakota du Nord. Avant de quitter l’Europe, Fidélis a épousé Eva, l’ex-fiancée de Johannes, le meilleur ami du boucher mort au combat : une promesse faite à un mourant.

LCMBArgus est le lieu où les vies de Fidélis et Eva vont croiser celles de Delphine et Cyprian, couple improbable. Delphine revient dans sa ville pour se rapprocher de son père, Roy, vieil alcoolique incapable de se rappeler qui est la mère de Delphine mais capable de rédemption. Pour gagner leur vie, Cyprian et Delphine ont monté un numéro d’équilibristes et se produisent dans les rues au gré de leurs déplacements. Cyprian lui aussi revient d’Europe où il a fait la guerre. Les rapports entre Delphine et Cyprian sont amoureux et fraternels, rarement charnels : Cyprian n’est pas attiré par les femmes mais il aime Delphine.

Ce qui est admirable dans ce livre ce sont les incroyables liens entre les personnages. L’amitié entre Delphine et Eva se noue quand la première commence à travailler à la boucherie. Le travail n’est pas facile pour Delphine mais la difficulté est compensée par la bienveillance et l’amitié d’Eva. Delphine l’accompagnera dans sa maladie, tentera de soulager ses souffrances jusqu’au bout. Après la mort d’Eva, Delphine restera s »occuper des enfants de Fidélis avec qui, progressivement, les rapports vont se transformer. Entre Fidélis et Cyprian les rapports sont tendus. Ils ont participé à la guerre dans des camps opposés et se soupçonnent d’avoir été dans le viseur de l’autre. Pourtant, c’est bien Cyprian qui, grâce à sa souplesse d’acrobate, ira sauver un des fils de Fidélis, enfoui sous la boue.

On ne peut pas occulter les personnages secondaires dont Clarisse, la mystérieuse amie d’enfance de Delphine, une jeune femme libre et séduisante qui a repris l’entreprise familiale de pompes funèbres. Clarisse est harcelée par le shérif local qui la poursuit depuis toujours de son amour. Il mourra de son acharnement en enquêtant sur la découverte des cadavres d’une famille entière dans le sous-sol de la maison de Roy (le père de Delphine). La découverte d’une perle ayant appartenu à une robe portée par Clarisse  et coincée dans les lattes du plancher redouble le mystère…

Je n’en finirais pas de tout raconter tant ce livre est foisonnant. Cette époque, entre les deux guerres mondiale, et ce pays dans lequel des émigrants venaient encore tenter leur chance, est un creuset romanesque inépuisable. Le talent de Louise Erdrich est aussi d’enrober cette trame dans une langue d’une grande beauté (bravo à la traductrice) avec, en prime, un souffle de mystère.

 

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Un commentaire pour La chorale des maîtres bouchers

  1. SOPHIE CAMBAZARD dit :

    Ca donne envie…

    J’aime

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