La plus secrète mémoire des hommes

de Mohamed Mbougar Sarr – Editions Philippe Rey

En 2018, Deegane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais installé à Paris, découvre un livre paru en 1938 Le Labyrinthe de l’inhumain. Ecrit par T.C. Elimane, auteur africain, le livre fait scandale en raison de son contenu violent et de plagiats dont l’écrivain se serait rendu coupable. Depuis, Elimane a disparu et Faye part à sa recherche dans une quête qui le mènera en Argentine, en France, au Sénégal, sur les traces des drames du XXe siècle.

Dans ce labyrinthe où avance Faye à la recherche d’Elimane, des femmes vont jouer les Ariane : la mystérieuse Saga, une célèbre romancière africaine qui connaît les secrets d’Elimane et Aïda, la photojournaliste dont Faye tombe amoureux.

La plus secrète mémoire des hommes est un roman puissant qui nous plonge dans la vraie littérature, celle qui nous raconte des histoires avec des personnages dont on doit se souvenir. Une littérature qui, à travers le destin d’un homme, nous rattache à notre histoire universelle celle des guerres mondiales, de l’époque du colonialisme. Faye s’interroge sans cesse sur le pouvoir de littérature et sa capacité à changer la vie (et pourquoi pas ?). A une époque où tout nous agrippe vers le simplisme, ce roman exigeant est un souffle d’espoir.
La construction du livre est virtuose : elle enchevêtre les époques, les personnages. La révélation finale n’est ni époustouflante, ni décevante : l’auteur nous y a doucement amenés.

La plus secrète mémoire des hommes est dédié à Yambo Ouologuem auteur d’un livre publié en 1968, Le devoir de violence qui avait obtenu le prix Renaudot avant que l’auteur ne soit accusé de plagiat. Dans une interview parue dans le JDD du 31 octobre, Sarr explique à propos de T.C. Elimane : “Je me suis inspiré de Yambo Ouologuem pour lui faire traverser le XXe siècle : il en est à la fois le fruit et le fantôme littéraire.”
Je me suis souvenue alors que Le devoir de violence figurait dans la bibliothèque de mes parents et que son évocation était auréolée d’un interdit pour les jeunes lectrices de la famille.

Le titre du livre est extrait d’une phrase des Détectives Sauvages de Roberto Bolano, citée en introduction et qui se termine par “Et un jour l’Oeuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s’éteindra, et la Terre, et le Système solaire et la Galaxie et la plus secrète mémoire des hommes.”

Le livre de Mohamed Mbougar Sarr figure dans quelques listes de prix littéraires dont le Goncourt. Qu’il soit ou non récompensé, lisez-le.

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