de Christian Guay-Poliquin, Les Editions de l’Observatoire
A la suite d’un accident, un jeune homme, gravement blessé se retrouve dans une maison isolée, piégé par la neige et coupé du monde en raison d’une panne d’électricité géante. Au cours du récit, on apprend que tout le pays est paralysé. Les habitants du village voisin confie le blessé à Matthias, un homme âgé et robuste qui lui aussi s’est retrouvé coincé par la neige et la panne. Matthias accepte de prendre soin du jeune homme car on lui a promis de l’aider à regagner la ville d’où il vient (et où sa femme l’attend ne cesse-t-il de répéter) dès que les circonstances le permettront : “Tu es mon obstacle, mon contretemps. Et mon billet de retour.”
Le huis-clos entre les deux hommes est traité dans le décor d’une maison abandonnée, cernée de neige. On ne sait dans quel pays, ni à quelle époque on se trouve. La vie des deux hommes est rythmée par la neige qui tombe et par les visites de quelques habitants du village qui viennent les ravitailler et soigner le blessé. Les nouvelles de l’extérieur parviennent de façon irrégulière : la nourriture et le carburant commencent à manquer, des habitants quittent le village, etc.
A l’intérieur de la maison le dialogue entre les deux hommes est réduit car le jeune homme refuse de parler : “ça fait longtemps que j’ai perdu la notion du temps. Et le goût de la parole. Personne ne peut résister au silence, enchaîné à des jambes cassées, en hiver, dans un village sans électricité.” Face au mutisme de son compagnon, Matthias oppose une parole incessante : il lui raconte ses souvenirs et les histoires lues dans les livres qu’il a trouvés dans la maison abandonnée. Pour Matthias, la parole est une survie : “Nous vivons tous les deux dans les ruines, seulement la parole ne me paralyse pas comme toi. C’est mon travail de survie, ma mécanique, mon désespoir lumineux.”
Le jeune homme se remet progressivement mais ne peut pas marcher. Il est complètement dépendant de Matthias. Quelques éléments de la vie d’avant des deux “colocataires” sont distillés : le jeune homme est issu du village, il est mécanicien comme son père, etc. Les relations entre les deux homme se tendent et s’assouplissent au fil des nouvelles qui parviennent de l’extérieur, de l’espoir de Matthias de repartir en ville, avec le poids de la neige qui ne cesse de tomber et de tout recouvrir laissant au lecteur le sentiment que les protagonistes vivent entourés d’une neige éternelle.
Peu importe le dénouement, ce qui importe dans ce récit réussi d’un huis-clos c’est d’observer comment deux êtres, dont la rencontre était improbable, arrivent à s’entraider pour survivre, quelle que soit leur motivation.
Un découpage intrigant
Le découpage du livre est bien mystérieux. Il est structuré en 6 parties portant chacune un nom et un paragraphe faisant allusion à la légende de Dédale et Icare : le labyrinthe, Dédale, Icare, les ailes, Dédale, Icare. A l’intérieur de chaque partie, les chapitres sont numérotés en lettres (cinquante-six) et ne se suivent pas. Exemple : la première partie, Le labyrinthe commence par le chapitre trente-huit, il n’y a pas de chapitre quarante, mais trois chapitres quarante-cinq et trois chapitres cinquante-six. Cette structure ne nuit absolument pas à la fluidité du récit, elle est juste intrigante…
Mystère résolu grâce à une lectrice qui m’a répondu sur un forum de lecture Facebook : ces numéros correspondent à la hauteur de la neige ! Qui commence à trente-huit et peut aller jusqu’à deux cent quarante-deux ! Il faut avoir vécu au Canada pour le comprendre !