Je vais sacrifier au rituel des “conseils de lecture pour l’été”, même si je désapprouve l’idée que durant la période estivale, une littérature spéciale s’impose (ceci est un autre débat).
Pour les lecteurs/lectrices qui apprécient l’esprit saga ou qui aiment enchaîner les livres d’un même auteur, foncez sur le cycle autobiographique du norvégien Karl Ove Knausgaard (ne m’en veuillez pas de le désigner désormais sous les initiales K.O.K, tant je redoute la faute de frappe !). Six tomes, soit 3 000 pages, on été publiés en deux ans. Quatre tomes de ce cycle, intitulé du nom provocateur “Min Kamp” (Mon Combat), sont parus en français dont trois en poche (Folio) : La mort d’un père, Un homme amoureux, Jeune Homme (les 3 que j’ai lus). Le titre du cycle a provoqué, paraît-il, un beau scandale en Norvège.
Ces livres relèvent à la fois de l’autobiographie et de la littérature du réel (expression que j’ai piquée dans une question posée par une journaliste à B. Lemaire dans le JDD du 15/07/18). K.O.K. raconte sa vie depuis l’enfance, son quotidien, sa famille, ce qui n’a pas été sans créer quelques remous auprès des proches paraît-il…
On se souvient de la première phrase des Confessions de Jean-Jacques Rousseau : “Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme ce sera moi.” Et voilà Knausgaard qui, lui aussi, ose se présenter sans fard et entraîne sa famille dans l’aventure (le style de J.J.R. en moins). Attention, ces livres provoquent une addiction même si les descriptions du quotidien sont parfois triviales : changer les couches de son bébé, accompagner sa fille à un goûter d’anniversaire rencontrer d’autres parents qui s’ennuient en échangeant des banalités, faire preuve de patience envers son enfant qui veut porter des chaussures de princesse, se ravise, puis les remet et pour finir les oublier chez sa copine….Du vécu ou comment créer de l’universel à partir du quotidien.
K.O. Knausgaard a construit son cycle de façon non chronologique et c’est cela aussi qui rend le lecteur accro. On commence par “La mort du père“, avec un récit tendu à l’image de la terreur que ce père maltraitant fait régner sur ses deux garçons. Pas de scènes insoutenables de violence mais une menace permanente qui pèse surtout sur Karl Ove, toujours en train d’anticiper sur les réactions malheureusement imprévisibles de son père. Celui-ci finira dans une déchéance terrible avant une mort violente, que Karl Ove et son frère découvriront dans le Tome 1.
Les parents se séparent et les deux garçons, adolescents, se retrouvent seuls avec leur père : une époque à la fois de grande liberté (ils entrent et sortent comme ils veulent) et de grande sévérité (les règles de conduite à table, par exemple). On a le sentiment que la rudesse de leur éducation est en accord avec la rudesse du climat. Dans Jeune Homme (Tome 3), Karl Ove revient sur son adolescence et dresse un portrait plus précis de son père, un enseignant respecté et impliqué dans la vie politique locale, un contrepoint à l’être déchu décrit dans le Tome 1.
Parfois on s’interroge : mais que fait la mère pour protéger ses enfants ? Karl Ove nous répond dans Jeune homme : “C’est pourtant elle qui m’a sauvé. Si elle n’avait pas été là, j’aurais grandi uniquement avec papa, et alors là, d’une façon ou d’une autre, j’aurais mis fin à mes jours. Mais sa présence contrebalançait la noirceur de papa, Aujourd’hui, je suis en vie, et le fait que ce soit sans joie n’a rien à voir avec l’équilibre de mon enfance. Je vis. J’ai moi-même des enfants et la seule chose que j’ai vraiment essayé de réussir avec eux, c’est qu’ils n’aient pas peur de leur père. J’ai réussi, Je le sais.” Terrible.
Selon une étude du World Hapiness Report, la Norvège se classe en deuxième position derrière la Finlande pour “le bien-être ressenti” par ses habitants. Pas évident de confirmer ce sentiment à la lecture du cycle de K.O.K. Et puis, il tombe amoureux d’une Suédoise, s’installe à Stockholm et se trouve confronté à des relations humaines différentes (moins rudes que chez les Norvégiens) à propos desquelles il aime bien disserter. Nous, on ne peut que s’incliner devant ses Suédoises qui ont réussi à refiler toutes les corvées ménagères à leurs conjoints !
Je le répète, la lecture du cycle de K.O. Knausgaard provoque une addiction quel que soit l’endroit : sur la plage ou au coin du feu pendant un week-end de novembre. Le quatrième tome, Aux confins du monde, est paru en français.
Prochain épisode des “lectures de l’été” : 2 livres représentant un total de 221 pages (la sobriété française), à glisser dans les sacs et à déguster.
Dans mles commentaires, Anonyme, c’est moi 🙂
Bises
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Oh ! Que ça fait envie ! Je fonce à la librairie, merci isa