Je n’aime pas “critiquer” des livres que je n’ai pas aimés, c’est pourquoi j’ai créé la catégorie “On peut s’en passer”.
Voici deux livres que j’ai lus en traînant les yeux (ils font en moyenne chacun plus de 600 pages !), mais, va savoir pourquoi, je suis allée jusqu’au bout. Deux explications possibles : soit ils ne sont pas si ennuyeux que cela, soit j’ai cédé à la curiosité pour connaître la fin !

Bibliothèque du Sénat/ Photo Ph.Dixmier
7 de Tristan Garcia, Folio
La construction du livre est très élaborée : 7 histoires successives, sans lien apparent, dont la dernière (et la plus longue) découpée en 7 parties (cette construction m’a rappelé un professeur de philosophie en prépa qui nous apprenait à découper nos dissertations en 7 parties découpées en 3, ou le contraire, je ne sais plus, le souvenir est trop cruel…). Nous sommes dans le domaine du fantastique, de l’anticipation, du réalisme magique ? Je ne sais pas. Le meilleur résumé de ce livre, je l’ai trouvé dans un article de l’Obs, sous la plume de David Caviglioli :
“Un dealer tombe sur une drogue qui réveille un état antérieur de notre mémoire, donc notre jeunesse. Une star du rock entend, dans un enregistrement du XIXe siècle, une chanson qu’il croyait avoir composée en 1980. Une vieille communiste se réveille dans une France où la révolution a eu lieu. Des gens qui croient aux extra-terrestres disparaissent quand ils cessent d’y croire. La France s’est vidée de tous ses croyants qui se sont réfugiés dans des ghettos idéologiquement homogènes, coupés du territoire. Un homme se découvre immortel : à chaque fois qu’il meurt, il renaît, en gardant la mémoire de ses vies antérieures.”
Cette dernière, et septième partie est la meilleure, à mon avis. On y ressent la jubilation de l’auteur à inventer, à chaque fois, une nouvelle vie à sa créature. Quel sens à tout cela ? J’avoue qu’il m’a échappé. Selon D. Caviglioli, T.Garcia serait un “théoricien pointu du réalisme spéculatif”. J’aime bien cette idée mais les spéculations de T. Garcia à partir du réel m’on plutôt plombée. On peut aussi se laisser embarquer sans autre forme de procès.
Un bon point pour lequel je sauverais presque ce livre : une comparaison en page 86 (j’adore les comparaisons quand elles sont réussies) qui va entrer dans ma collection : “(…) et il serait malhonnête de ma part de ne plus vouloir fréquenter que les freaks qui sont beaux, qui sentent bon et qui ont le cerveau rangé comme le tiroir à chaussettes de ma mère.”
La serpe de Philippe Jaenada, Julliard
J’aime beaucoup les livres de Ph. Jaenada. Et en plus il est drôle, ce qui n’est pas si fréquent dans la littérature française contemporaine. Raté : ennui total avec La Serpe.

Galerie Vivienne/ Photo Ph.Dixmier
Ce livre est une reconstitution, une tentative de résolution d’un crime commis en 1941 : trois personnes assassinées à coup de serpe dans un château du Périgord. Tout semble condamner Henri Girard, le fils de la famille, un homme antipathique, dur, sans rien de bienveillant auquel s’accrocher. Henri Girard est aussi l’auteur du scénario du Salaire de la peur, le célèbre film de Clouzot, écrit sous le pseudonyme de Georges Arnaud ainsi que d’autres livres (Ph. Jaenada tient G. Arnaud pour un grand auteur). Jaenada nous convie à le suivre dans ses recherches sur les traces d’H. Girard. Nous avons aussi le droit de pénétrer dans l’intimité de l’auteur en déplacement, avec ses problèmes de voiture, sa vie de famille qui lui manque, etc.
H. Girard sera acquitté au terme d’un drôle de procès. Sa défense est assurée par un célèbre avocat de l’époque : Maître Garçon. Bref ! La reconstitution de la scène de crime m’a ennuyée (comme je l’ai lu je ne sais plus où, on se croirait dans une partie de Cuedo, avec trois cadavres et un assassin dont on se sait comment il est entré et sorti), les incohérences du procès m’ont échappé, et le personnage principal a du mal à susciter l’empathie malgré la bonne volonté de l’auteur. Et en plus, Jaenada n’arrête pas de faire allusion à un autre de ses livres, “La petite voleuse” (encore une accusée), que je n’ai pas lu. Je n’ai pas non plus retrouvé le brio du style de Jaenada ni sa virtuosité dans l’art de manier les parenthèses.
Après avoir refermé le livre, j’étais bien incapable d’avoir une opinion sur la culpabilité d’H. Girard. un point positif : un tableau formidable de la vie en France dans les années 50 (par forcément attirante).
Je laisse le dernier mot à Ph. Jaenada, pour défendre, non sans ambiguité, son personnage :
page 287 : “Voilà, le dossier se referme. Henri Girard a écrit de beaux romans, forts, qu’il faut lire. L’altruisme et l’énergie combative de la deuxième partie de sa vie ont largement compensé l’égoïsme et la futilité de la première, mais, entre les deux, pour toujours, empestent, putréfiées, quelques heures de barbarie impardonnables. La mort hideuse de trois personnes, saignées dans la nuit, deux femmes qui n’avaient rien fait de mal dans leur vie et un homme formidable, Georges Girard. Fin de l’histoire, une erreur de judiciaire de plus.”
Ph.Jaenada apprécie aussi les figures de style :
Comparaison, p.355 : “(…) ces 19 mois qu’il a vécus, sous le poids des pires soupçons possibles, l’ont métamorphosé aussi radicalement qu’un prince en crapaud, ou qu’un grain de maïs en pop-corn après passage à la casserole.”
Prétérition (figure de style favorite de Ph. Jaenada), p.123 : “qui consiste à dire, par exemple, “je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que Santiago est la capitale du Chili”, “le responsable de tout ce bazar est J.J. Marteau pour ne pas le nommer”.”
Il faut quand même continuer à aimer Jaenada. Il a le droit d’être moins bon une fois….mais pas plus !
Ben moi aussi je suis une fervente de Jaenada, alors si même sa prose fout l’camp… y’a Nada ….
Fifi from Paris
Voilà, j’ai lu ces 2 excellents commentaires dans la voiture et maintenant j mal au coeur😖