Marseille Noir

Editions Asphalte

Marseille Noir est un recueil de 14 nouvelles écrites par des auteurs différents qui ont choisi chacun un quartier de Marseille pour nous raconter une histoire.
La Joliette, L’Estaque, La Plaine, La Belle de Mai, Le Panier….dans ce recueil on traverse plutôt les quartiers populaires de Marseille (les quartiers riches sont moins nombreux et moins “pittoresques”). A Marseille les arrondissements existent mais on s’identifie plutôt par les noms des quartiers, souvent jolis même si la réalité l’est beaucoup moins…

“On ne comprend pas Marseille si l’on est indifférent à sa lumière. Elle oblige à baisser les yeux“, disait Jean-Claude Izzo cité par Cédric Fabre dans la préface de ce recueil. Une remarque très juste. Comme j’ai grandi à Marseille, on me demande souvent si “le soleil ne me manque pas”. Je fais chaque fois la même réponse : c’est la lumière qui me manque, cette lumière bleue et blanche, crue, qui dessine nettement tous les paysages. Il n’y a qu’en Grèce que j’ai trouvé une lumière semblable. Et d’ailleurs les Grecs ne s’y sont pas trompés puisque c’est eux qui, venant de Phocée, en Asie Mineure, ont fondé Marseille en 600 avant J.C. : le site devait leur sembler familier.

Inutile d’être marseillais ou même de connaître Marseille pour savourer ces nouvelles. Les auteurs ne sont d’ailleurs pas tous des natifs de la cité phocéenne. On y trouve des Marseillais d’adoption.
Marseille est une ville qui vit et souffre des clichés qu’elle trimballe elle-même pour attirer ou repousser ceux qui cherchent à la comprendre. Toute la difficulté est là : “Pourtant, comment d(écrire) – dire, donner à voir, approcher – cette ville autrement que par la fiction ? s’interroge Cédric Fabre dans la préface. La réalité y paraît tellement incroyable.

Aucune exploitation des lieux communs habituels dans ces nouvelles. Les auteurs sont bien ancrés dans la réalité de cette ville (on ne pourrait pas inventer les mêmes histoires ailleurs) et l’on voit en même temps se dessiner une autre ville qui, depuis Marseille Capitale de la Culture (2013) essaie de pérenniser cette image artistique, attirer de nouvelles populations.

Quelques extraits…

Le silence est ton meilleur ami de Patrick Coulon. L’auteur nous livre une brillante description de la transformation du quartier du Panier, quartier traditionnel de la pègre italienne et corse, devenue aujourd’hui un quartier de bobos selon l’auteur (“Il y a même des Canadiens qui font des bagles”, s’offusque le narrateur). Mais la structure du quartier n’a pas bougé, avec ses ruelles tellement étroites “qu’on entend roter les voisins d’en face”. Une ville, un quartier, du bruit qui vont faire péter les plombs à ce jeune prof d’histoire-géographie apparemment inoffensif.

Vue de Marseille depuis le Mucem. Photo Ph. Dixmier

Je partirai avec le premier homme de Marie Neuser. Ou la vengeance meurtrière d’une femme trahie par l’homme qu’elle aime. Plus jamais je ne pourrai aller au Frioul, cette île familière aux Marseillais, sans y penser.
De cette île habituée aux estivants qui y débarquent pour la journée, l’auteure nous donne une image hivernale peu habituelle. On y découvre au début une femme qui s’y rend par la dernière navette et qui porte une valise…bizarre car l’île ne propose aucun hébergement. Le Frioul est un site où “Même les quelques figuiers de barbarie qui pointent ça et là ont l’air perdus.” L’auteure sait à ravir (ou plutôt à frémir) construire une atmosphère angoissante à travers un dialogue entre cette femme et…on ne sait pas qui…Mais que transporte-t-elle dans cette valise ?

Katrina de François Beaune. Un drame qui se joue dans le bus 49 “qui fait la Belle de Mai et redescend La Joliette”. Une véritable histoire marseillaise à la fin tragique. Voyager en bus peut être dangereux à Marseille et pas seulement en raison de la conduite sportive des chauffeurs. Une nouvelle qui vaut particulièrement pour son style si marseillais plein d’images improbables et pour sa chute tragique et comique. “Je ne sais pas si tu vois ce bus le 49 pour pygmées en plastique, tu tiens même pas assis (…). Tu te balances de partout, comme dans un Rubik’s Cube. Le chauffeur te manipule 36 faces de la ville. Avec les bosses et les rats morts. Tu commences assis devant, tu finis au fond la tête dans le moteur.”

Ce contenu a été publié dans Nouvelles. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

1 réponse à Marseille Noir

  1. Joelle Berger dit :

    Merci Babo. Je mets sur ma liste!!

    Grosses bises

    Joëlle

Laisser un commentaire