Une constellation de phénomènes vitaux

de Anthony Marra (JC Lattès)

“Vie : une constellation de phénomènes vitaux – organisation, irritabilité, mouvement, croissance, reproduction, adaptation.”

Cette définition est lue par Natacha (page 220) dans le Dictionnaire médical de l’union des médecins soviétiques.

Akmed, piètre médecin mais bon dessinateur se présente à Sonya, médecin à l’hôpital de Grozny, en prétendant avoir été reçu dans le “top ten” à l’école de médecine. Il omet de préciser que c’était dans les dix derniers… Akmed vit dans un petit village de Tchétchénie. L’action se déroule en 5 jours avec des retours en arrière de 1994 à 2004. On est plongé dans la guerre de Tchétchénie. Un sujet guère exploré en littérature (du moins, à ma connaissance).

Les premiers personnages qui apparaissent sont Akmed et Havaa, voisins dans leur village. Havaa, une fillette âgée de 8 ans, vit seule avec son père. Torturé par les Russes, celui-ci a perdu ses doigts et Havaa l’aide au quotidien : “elle est ses doigts”. Quand le père est arrêté une nouvelle fois par les Russes, Akmed décide d’emmener Havaa se cacher à l’hôpital de Grosny, auprès de Sonya, jeune chirurgienne qui continue de soigner les blessés dans des conditions épouvantables. Sonya est la soeur de Natacha qui s’était réfugiée chez le père d’Havaa : c’est ainsi qu’Akmed avait appris l’existence de Sonya.

Dans le village, Ramzan dénonce ses voisins aux Russes. On apprendra dans le cours du récit pourquoi il agit ainsi. Ramzan est le fils de Khassan, combattant de la première guerre de Tchétchénie et auteur d’un ouvrage qu’il n’en finit pas d’écrire Origines de la civilisation tchétchène. Deux ouvrages sont importants dans ce livre : celui de Khassan et le Dictionnaire médical de l’union des médecins soviétiques dans lequel Natacha va trouver la définition du mot vie (qui donne son titre au livre). Ces deux ouvrages construisent des liens entre les personnages. Des liens dont le sens se dévoile au fur et à mesure du récit dans une construction très habile.

Un livre sur la guerre et les tragédies humaines qu’elle engendre, bien sûr. Mais aussi un livre rempli d’humanité avec une subtile imbrication des destinées.

Sonya et Natacha ont été séparées quand la première est partie étudier la médecine à Londres. Elles se retrouveront, brièvement, pendant la guerre, à l’hôpital de Grozny. Natacha a vécu la guerre de façon trouble : prostitution forcée, toxicomanie.

Akmed et sa femme mourante, son amitié pour le père d’Havaa, son attirance pour Sonya ; Ramzan, le dénonciateur à l’histoire poignante qu’il raconte sans tentative de justification ; et puis Havaa vers qui tous les personnages convergent. Elle vivra grâce à leurs sacrifices.

Lu en 2015

 

 

 

 

 

 

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