de Jean-Paul Kauffmann, Equateurs Littérature
Combien d’églises compte Venise ? Plusieurs centaines si on en croit les guides mais, grâce à Jean-Paul Kauffmann, on apprend que toutes les églises vénitiennes ne sont pas ouvertes au public : “Beaucoup d’églises sont fermées à jamais, faute de prêtres et de fidèles. Certaines, menaçant ruines, soutenues par des étais, sont interdites pour des raisons de sécurité. Quelques-unes ont changé d’affectation, elles sont transformées en musées, bureaux, entrepôts, appartements ou encore salles de spectacle.”

Ces églises fermées suscitent chez J.P. Kaufmann “un état de frustration insupportable“. Aussi décide-t-il de s’installer à Venise pendant quelques mois, plus exactement sur l’île de la Giudecca (en face de Venise, “à 3 minutes en vaporetto de San Marco”) et d’affronter une bureaucratie insaisissable mais censée lui ouvrir les portes des églises. Il s’agit d’une quête, celle d’un homme qui espère découvrir des trésors cachés derrière ces portes closes.
Le mystère du “grand vicaire”
Le livre aurait pu s’appeler aussi “A la recherche du grand vicaire”, un personnage mystérieux qui dirige le Patriarcat, l’administration du patrimoine religieux. Le grand vicaire est un grand voyageur : parfois au Japon, parfois à Venise mais toujours invisible. Il faudra que J.P. Kauffmann se fasse aider par une guide française vivant à Venise, un peu sceptique au départ quant au bien-fondé de la démarche. Elle se méfie des non-vénitiens à la recherche “des adresses secrètes” de la ville : “Les secrets doivent être respectés” s‘agace-t-elle devant certains touristes qui se croient plus malins que les autres. Et pour finir elle aidera J.P. Kauffmann à se faire ouvrir quelques portes.
Venise à double tour recèle plusieurs livres à la fois. Pour ceux qui connaissent et aiment Venise, c’est une redécouverte dans les pas d’un voyageur qui connait bien la ville et qui nous fait entrer dans ces églises que nous ne verrons peut-être jamais. C’est aussi le récit d’une enquête bien préparée, avec méthode et plusieurs mois passés sur le terrain dans les traces de l’administration italienne. Pour ceux qui ne connaissent pas Venise c’est une bonne idée de faire découvrir la ville depuis La Giudecca et à travers ses églises.
Comme d’autres livres de J.P. Kauffann – je pense notamment à “Remonter la Marne” – j’ai beaucoup apprécié les passages où l’auteur se livre, évoque ses souvenirs, ses lectures sur Venise (Sartre, Lacan, Morand sont souvent cités). J’ai appris ainsi que Sartre avait écrit de très belles pages sur l’eau de Venise. J’ai eu le sentiment aussi que J.P. Kauffmann faisait plus facilement allusion à ses années de captivité quand il était retenu comme otage au Liban de 1985 à 1988…Et puis je l’ai trouvé aussi plus malicieux : les passages qui racontent comment il poursuit le grand vicaire sont assez drôles.

Non, Venise ne meurt pas
Le problème du surtourisme à Venise est évidemment évoqué. Selon la guide française citée par J.P. Kauffmann, le tourisme vénitien était “paisible” jusque dans les années 80 (c’est la Venise que j’ai connue car je crois que mon dernier voyage à Venise date de 1983).
Pour info : 54 000 personnes vivent à Venise et 30 millions de touristes visitent la ville chaque année. Le nombre de Vénitiens diminuent : 1 000 personnes par an.
J.P. Kauffmann, lui, s’élève contre l’image “décadente” attachée depuis longtemps à Venise : “Je n’adhère en aucune faon à l’image mortifère de Venise, la chute, les affres de la décadence (vieille lune romantique qui continue à faire des ravages), pas plus qu’à la vision d’une beauté faisandée et factice. Comme toute chose ici-bas, Venise va vers sa disparition. C’est un achèvement qui n’en finit pas, un terme toujours recommencé, une terminaison inépuisable, renouvelée, esquivant en permanence l’épilogue. La phase terminale, on l’annonce depuis le début. Elle n’a pas eu lieu. Elle a déjoué tous les pronostics. Cette conclusion ne manquera pas de survenir pour nous tous ; Venise, elle, passera à travers. “
J.P. Kauffmann n’a pas tort. Je suis souvent allée à Venise dans les années 70/80 et on entendait déjà cette chanson “Venise va mourir” et elle est toujours là.
Merci !
et belle photo de Venise, non ?
Bel article!! Je t’embrasse. Sylvie
Très bel article mon Isa J’ai donné les coordonnées de ton blog (profitant du coup de coeur Folio) à la bonne (et jolie) libraire de mon quartier.
biz
catherine etchepare
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